La France face au génocide des Arméniens by Duclert Vincent

La France face au génocide des Arméniens by Duclert Vincent

Auteur:Duclert, Vincent [Duclert, Vincent]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Fayard
Publié: 2016-04-02T16:00:00+00:00


Chapitre VI

La France victorieuse et l’abandon de l’Arménie (1918-1922)

L’armistice de Moudros du 30 octobre 1918 scelle la défaite de l’Empire ottoman. Il ouvre le temps des espérances internationales, en termes à la fois de justice pour les responsables du génocide et de libération pour les peuples opprimés. Les Arméniens sont concernés sur les deux plans. Le génocide qu’ils ont subi, entraînant la mort de près des deux tiers de leur population, justifie plus que tout l’accession de l’Arménie au statut d’État indépendant en Anatolie afin d’y regrouper et de protéger les survivants qui meurent dans les camps ou qui, errants dans l’Empire, sont à la merci de troupes de tueurs encore très actifs. L’erreur aura été peut-être de rapprocher ces deux espérances. Si le gouvernement de l’Entente libérale formé à Constantinople dès le 14 octobre 1918 et le Mouvement de libération nationale qui s’établit à Angora à partir de mai 1919 à l’initiative de Mustafa Kemal pourraient envisager une condamnation des responsables du génocide qui sont en même temps leurs ennemis politiques, en aucun cas ils ne tolèrent d’amputation des territoires turcs de l’Empire. Or l’Arménie historique occupe les régions que les unionistes aussi bien que les kémalistes considèrent comme le sanctuaire de la Turquie et de son avenir. Le génocide et ses étapes antérieures n’ont pas eu seulement comme effets de détruire une race déclarée maudite, mais aussi d’éradiquer la présence arménienne de l’Anatolie afin de nationaliser – « turcifier » – ces vastes territoires.

Au final, les Arméniens n’auront ni la justice ni l’indépendance. La France comme les puissances européennes ne se battront par pour la justice, en opposition à leurs engagements, notamment ceux du 24 mai 1915. Elle ne luttera pas non plus pour protéger les Arméniens en leur offrant un État ou un foyer national. En 1922, les Turcs sont partout vainqueurs. Les Alliés ont renoncé à se battre. Le traité de Lausanne du 24 juillet 1923 reconnaît la victoire turque, comme il sanctionne la défaite de la justice internationale et la fin de l’existence arménienne. Il proclame l’amnistie sur tous les crimes et la pleine souveraineté sur l’Anatolie. L’Arménie disparaît de sa terre natale. Les rescapés arméniens qui échappent aux crimes perpétrés par les kémalistes dans leur conquête de l’Anatolie doivent fuir l’Empire sans la protection des Alliés et sans espoir de retour. En situation d’apatridie, ceux-ci, au nombre de 600 à 800 000, reçoivent un passeport spécial délivré par le Haut Commissariat pour les réfugiés de la Société des Nations, que dirige un médecin et explorateur norvégien, le docteur Fridtjof Nansen. Les autorités turques y imposent une mention spéciale, « retour impossible ».

La France occupe une position spécifique dans ce désastre humain, diplomatique et judiciaire. Sa revendication de la justice dans l’ordre civique et moral lui impose d’agir en faveur des victimes arméniennes, au-delà même des textes internationaux dont elle est signataire. Le mandat qu’elle reçoit sur la Cilicie et le regroupement de réfugiés arméniens qu’elle y opère lui donnent la mission d’assurer la sécurité de ces populations et la souveraineté de ce territoire.



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